SPOROBOLE: Appel à projets pour résidence
Soutenu par le CALQ, le Chantier IA est un nouveau cycle de réflexion et d’accompagnement à la création artistique autour des enjeux d’intelligence artificielle (IA) qui s’étendra jusqu’en 2026.
ÉNONCÉ GÉNÉRAL
Le développement de l’intelligence artificielle a occupé une grande partie des conversations des derniers mois. La sortie de ChatGPT et des autres algorithmes génératifs qui produisent des images, des vidéos, des scénarios de films, des plans de cours ou qui réussissent des examens de niveau universitaire entraîne une série de questions fondamentales sur la place de l’être humain dans un monde où les machines peuvent faire de nombreuses tâches complexes et créatives. Au-delà de ces questions existentielles, les algorithmes génératifs de type LLM (Large Language Model) soulèvent des enjeux liés à la propriété intellectuelle, à la créativité humaine et au rôle même de l’art.
Inutile de se mettre la tête dans le sable : même si ces algorithmes sont actuellement contrôlés par quelques corporations qui obéissent à un rythme de lancement effréné sans tenir compte des risques potentiels de leur IA, refuser ces technologies ne ralentira ni leur développement ni leur déploiement. D’ailleurs, nous estimons que les artistes ont un rôle important à jouer dans la compréhension des potentialités de l’IA et dans la construction d’un rapport critique à ces golems contemporains. Nous sommes d’avis que les artistes ont la capacité de déplacer ces questions sur le terrain de la représentation, d’offrir une distance critique entre le monde humain et ces technologies artificielles, et de participer au développement d’une saine connaissance des enjeux que soulèvent déjà ces robots pour lesquels, la porte du langage naturel, a ouvert une voie nouvelle vers la psychée humaine.
Il est difficile d’évacuer ce qui relève de la mythologie ou de l’imaginaire collectif lorsqu’on cherche à évaluer les impacts d’une telle révolution technologique. Un futur dans lequel l’intelligence artificielle disposerait d’une conscience ne s’envisage que dans un rapport de simulacre où l’humain attribue un caractère anthropomorphe à un algorithme. Il en va de même du fantasme d’immortalité que font miroiter les nouvelles technologies par la possibilité d’une greffe, voire d’une fusion, de l’humain avec la machine éloignant ainsi le premier de ses émotions et rapprochant la seconde d’une conscience. De l’espoir apporté par un solutionnisme technologique à la paranoïa, le spectre d’émotions face à l’IA est chaotique, c’est pourquoi il faut ouvrir de toute urgence un espace à distance du monde, un espace où les artistes regardent et réfléchissent à la machine pour ce qu’elle est, pour ce qu’elle peut et ne peut pas faire, pour la montrer nue, pour mettre en lumière la mythologie qui s’est construite autour d’elle depuis que nous l’avons renommée intelligence artificielle en lieu et place de LLM ou d’algorithmes d’apprentissage profonds. Il est urgent que les artistes s’en mêlent et portent sur ce nouveau monde le regard particulier que seules les œuvres d’art peuvent offrir.
Pour 2023 – et jusqu’en 2026 – nous lançons un tout nouveau cycle de réflexion et d’accompagnement à la création artistique autour des enjeux d’intelligence artificielle (IA). L’automatisation algorithmique touche aujourd’hui presque toutes les sphères de notre société, et ce, souvent à notre insu parce qu’elle est camouflée dans la black box de nos dispositifs technologiques. Comme mentionné plus haut, c’est un domaine qui se déploie et se complexifie actuellement en mode accéléré. Aussi il nous semble essentiel d’y accorder un temps d’attention soutenue afin de comprendre et de s’approprier les outils liés à cette technologie, et de dérouler le fil réflexif qui peut s’en dégager.
À travers une série de résidences artistiques et d’activités connexes, notamment des ateliers et des expositions, Sporobole souhaite contribuer au développement des connaissances sur l’IA et les algorithmes. Il s’agira ainsi de réfléchir au rôle de ces derniers, non seulement à leur fonction assumée, mais aussi à leur agenda caché; de détourner leur usage prescrit; d’explorer leur potentiel à travers un déplacement situationnel et contextuel; d’approfondir notre posture critique et éthique face aux algorithmes; d’envisager des modalités possibles de « cohabitation ». Par ailleurs, une approche de type co-construction des connaissances sera mise de l’avant à travers certaines résidences où la notion de transfert des savoirs sera particulièrement valorisée.